Un ours du Moyen-Âge atteint de saturnisme : la plus ancienne preuve de pollution métallique

11/03/2025

 

Mâchoire d'ours médiéval. C'est dans ces dents que l'on trouve les premières traces de pollution humaine sur les animaux sauvages. (Photo : Marius Robu, “Emil Racoviţă” Institute of Speleology) 


Des chercheurs ont démontré qu'un ours brun vieux de mille ans souffrait d'une intoxication au plomb. Cet ours vivait dans le sud-ouest de la Roumanie, une région connue pour son exploitation minière et sa métallurgie depuis le Moyen-Âge. Il s'agit de la plus ancienne preuve de pollution métallique causée par l’homme et affectant un animal sauvage.  

Jerom Gerard
 

La région des Balkans et des Carpates abrite les plus anciens sites d'exploitation minière et de métallurgie connus en Europe. « Nous savons que la pollution métallique était déjà significative dans les Balkans dès 600 av. J.-C., mais son impact sur la faune sauvage n’avait encore jamais été étudié », explique Sébastien Olive, chercheur à l'Institut des Sciences naturelles et co-auteur de l'étude.  
  
Parmi les métaux extraits figurait le plomb, utilisé notamment pour la fabrication de pots, de monnaies, de poids, de canalisations et de balles. L'extraction d'un métal lourd comme le plomb entraîne une contamination de l’environnement : il se diffuse dans l'eau et dans l'air, et certaines plantes peuvent accumuler ce métal dans leurs tissus qui seront ensuite consommées par les animaux et les humains.  

Du plomb dans la dentine 

Dans une nouvelle étude publiée dans Environmental Pollution, les chercheurs montrent qu’un ours ayant vécu il y a mille ans dans le sud-ouest de la Roumanie souffrait d’une intoxication au plomb au moment de sa mort. La mâchoire a été découverte en 2011 dans une grotte de Cracul de la Cioaca Goală et a été datée grâce à la méthode du carbone 14.  
  
Grâce à une technique laser (microanalyse par ablation laser), les scientifiques ont pu analyser avec précision la composition chimique de la dentine, un des tissus composant les dents. Un pattern est alors apparu : une absorption plus faible de plomb pendant l’hibernation et une absorption plus élevée durant les saisons d'activité de l’ours. Et au cours de son dernier été, il en a ingéré une dose très élevée.  
 

Dent de l'ours.
Dentine de la dent qui permet de voir l'âge de l'ours à sa mort.
Nombre de parties par million de particules de plomb présentes dans la dent.

Le lien de causalité entre l'intoxication et la mort de l'animal n'a pas été démontré. Nous savons par contre avec certitude que l'ours est tombé dans un puits naturel dont il n'a pas pu ressortir. Sébastien Olive explique : « L’intoxication pourrait être la raison pour laquelle l’ours est tombé dans ce puits. Lors de son dernier été actif, la concentration de plomb dans son organisme a atteint 15,2 ppm (parts per million). Cette pollution a certainement eu un impact négatif sur sa santé et son cerveau. » À titre de comparaison, chez l’humain, des effets néfastes sur le cerveau apparaissent dès 5 ppm. 

Un cas qui n'est peut-être pas isolé  

« C'est le premier cas connu d'un animal sauvage souffrant d'une intoxication aux métaux lourds causée par l’activité humaine », indique Olive. « Il est possible que la pollution métallique ait eu un impact plus large sur la faune sauvage dans l’Europe médiévale, en plus de la chasse et des modifications du paysage. »  

Les restes de l'ours que les chercheurs ont trouvé au fond de la grotte. (Photo : Marius Robu, “Emil Racoviţă” Institute of Speleology) 
La grotte, avec le trou de 20 mètres de haut au sommet, dans lequel l'ours est tombé. Ce trou est le seul moyen d'entrer et de sortir de la grotte. (Photo : Marius Robu, “Emil Racoviţă” Institute of Speleology) 

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