Un cadre mondial pour enrayer la perte de biodiversité et restaurer les écosystèmes naturels

21/12/2022
Une partie de la délégation de l’IRSNB à la COP15 de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, Montréal, Canada, décembre 2022. (Image : IRSNB)
Une partie de la délégation de l’IRSNB à la COP15 de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, Montréal, Canada, décembre 2022. (Image : IRSNB)

Le 19 décembre 2022, le 15e sommet sur la biodiversité de la Convention sur la diversité biologique (CDB COP 15) a adopté le cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal, avec quatre objectifs et 23 cibles à atteindre d'ici 2030. Ce faisant, les pays signataires ont convenu d'un ensemble historique de mesures jugées cruciales pour lutter contre la perte dangereuse de biodiversité et restaurer les écosystèmes naturels. Les ambitions comprennent la protection de 30 % des terres, des océans, des zones côtières et des eaux intérieures de la planète, la réduction de 500 milliards de dollars des subventions gouvernementales nocives annuelles et la réduction de moitié du gaspillage alimentaire. L'échéance pour atteindre ces objectifs a été fixée à 2030. Plusieurs équipes de l'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique faisaient partie de la délégation belge, ont assisté à la conférence et ont participé aux négociations.

 

La science est claire : nous perdons la biodiversité à un rythme alarmant, et cela ne peut être imputé qu’à l'homme. Pas moins d'un million d'espèces sont menacées d'extinction. La perte des services écosystémiques qu'ils nous fournissent constitue un risque majeur pour la santé humaine et notre qualité de vie. L'utilisation croissante de l'espace par une population mondiale de plus en plus nombreuse, l'exploitation des ressources biotiques et abiotiques, le changement climatique, la pollution et l'introduction d'espèces invasives en dehors de leur aire de répartition normale sont parmi les principales menaces qui pèsent sur notre biodiversité.

Après avoir été reportée plusieurs fois par la Covid, et après avoir finalement été déplacée de la Chine (Kunming) au Canada, la dite COP15 (Conférence des Parties) a finalement eu lieu à Montréal du 7 au 19 décembre 2022, la Chine en conservant la présidence. 188 délégations nationales étaient présentes sur place, représentant 95% des 196 signataires de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique (CDB). Ils ont approuvé des mesures visant à mettre un terme à la perte actuelle de la biodiversité terrestre et marine et à faire évoluer l'humanité vers une relation durable avec la nature, avec des indicateurs clairs pour mesurer les progrès.

 

Une préparation incertaine

Dans le contexte actuel de pandémie, de guerre, de crise énergétique, etc., les préparatifs ont été lents et douloureux. Les travaux préliminaires ont abouti à un projet d'accord dont de grandes parties sont entre parenthèses, en raison de désaccords dans le processus des Nations unies, les pays ayant ajouté des suggestions sur ce à quoi devrait ressembler la série finale d'objectifs. Cette situation a fait craindre que la crise de la biodiversité ne reçoive pas l'attention qu'elle mérite de la part des gouvernements du monde, ou du moins que les résultats de la conférence ne soient pas assez décisifs et ambitieux.

Il semble toutefois que les parties à la CDB aient tiré les leçons de l'échec des objectifs de biodiversité d'Aichi, plutôt vagues, fixés au Japon en 2010 pour la décennie précédente. Au final, la COP15, la plus importante conférence sur la biodiversité depuis plus d'une décennie, a largement répondu aux attentes. Vers 3h30 du matin, heure locale, le lundi 19 décembre, la nouvelle est tombée qu'un accord avait été trouvé.

 

30 x 30 x 30

 

M. Huang Runqiu, ministre de l'Écologie et de l'Environnement de la République populaire de Chine, président de la COP15, et M. Steven Guilbeault, ministre de l'Environnement et du Changement climatique du Canada. (Image : CDB)
M. Huang Runqiu, ministre de l'Écologie et de l'Environnement de la République populaire de Chine, président de la COP15, et M. Steven Guilbeault, ministre de l'Environnement et du Changement climatique du Canada. (Image : CDB)

Le résultat est un cadre avec des objectifs ambitieux et précis pour des actions concrètes et des ressources suffisantes pour leur mise en œuvre, à déployer dans une approche traçable et coordonnée. L'accord comprend des objectifs visant à protéger 30 % de la planète pour la nature d'ici la fin de la décennie en 2030, à réformer 500 milliards de dollars de subventions nuisibles à l'environnement et à restaurer 30 % des écosystèmes terrestres, d'eaux intérieures, côtiers et marins dégradés de la planète.

 

Les signataires ont en outre convenu de mettre un terme aux extinctions d'espèces menacées causées par l'homme et d'augmenter de manière significative (maintenir, améliorer et restaurer) la superficie des écosystèmes naturels d'ici 2050 et d'accroître l'abondance des espèces sauvages à des niveaux sains et résilients. Pour que les fonctions et les services des écosystèmes profitent aux générations actuelles et futures, les pays s'engagent à utiliser et à gérer plus durablement notre environnement et les espèces qui y vivent, et à faire de la prise en compte des écosystèmes et de la biodiversité une partie intégrante de tous les processus politiques et de toutes les activités économiques, y compris en dehors des zones protégées.

L'accord prévoit également que la diversité génétique au sein des populations d'espèces sauvages et domestiquées doit être conservée, en sauvegardant leur capacité d'adaptation, et que les avantages monétaires et non monétaires découlant de l'utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles doivent être partagés de manière juste et équitable (en tenant également compte des populations autochtones et des communautés locales).

La réalisation de tout cela nécessitera évidemment une redistribution des ressources financières, tant à l'intérieur des pays qu'entre eux. Comme on pouvait s'y attendre, les discussions financières ont constitué le principal obstacle jusqu'à la phase finale des négociations, certains des pays les moins développés souhaitant un soutien financier supplémentaire. Mais là aussi, la COP15 s'est terminée par un large consensus.

Une description plus détaillée des quatre objectifs globaux et des 23 cibles du cadre pour la biodiversité de Kunming-Montréal est disponible dans le communiqué de presse officiel de la COP15 de la CDB.

 

Rompre avec le passé ?

Bien que l'accord de Kunming-Montréal ne soit pas juridiquement contraignant, les gouvernements seront chargés de démontrer leurs progrès vers la réalisation des objectifs au moyen de plans nationaux pour la biodiversité, à l'instar des contributions déterminées au niveau national que les pays utilisent pour démontrer leurs progrès vers l'accord de Paris sur le climat.

 

"Jamais auparavant les gouvernements n'ont été confrontés à des objectifs aussi concrets fixés au niveau international pour la protection et la restauration de la biodiversité, et plus généralement de la nature. L'accord de Kunming-Montréal doit donc être considéré comme une étape historique pour sortir de l'époque où l'humanité ne parvenait pas à rompre avec la destruction continue des écosystèmes et le déclin de la biodiversité."

Dr Hendrik Segers, coordinateur du point focal national belge pour la Convention sur la diversité biologique-

 

L’IRSNB à la COP15

Plusieurs équipes de l'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB) ont été activement impliquées dans la préparation de la contribution belge à COP15, ont fait partie de la délégation belge sur place et ont participé aux négociations et à l’organisation d’événements parallèles.

 

Point focal national pour la Convention sur la diversité biologique (PFN-CBD)

La mission générale de l’IRSNB "Fournir à la communauté scientifique, aux décideurs politiques et à la société une science solide et pertinente et des conseils appropriés sur la nature et sa gestion durable" et les principaux objectifs de la Convention sur la diversité biologique "Conserver la biodiversité, promouvoir son utilisation durable et assurer un partage équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques" sont parfaitement alignés l'un sur l'autre en ce qui concerne l'utilisation et la gestion durables de la biodiversité et des écosystèmes. Il n'est donc pas surprenant que le point focal national belge pour la CDB soit hébergé au sein de l’IRSNB. La promotion de la coopération entre les acteurs concernés par la biodiversité en Belgique est une tâche essentielle du PFN-CBD, et la préparation/coordination des contributions aux COP de la CDB est une partie essentielle du mandat du PFN.

Étant donné que la CDB souligne également l'importance de l'échange d'informations et de la coopération entre les pays, pour lesquels un réseau international de partenaires a été créé, le "Clearing-House Mechanism" (CHM), le PFN-CBD est également très actif dans l'illustration de ce que la Belgique fait dans le cadre de la CDB et donc - par le biais du programme CEBioS (voir ci-dessous) - également dans le renforcement des capacités dans d'autres pays. Depuis la COP13, des prix ont été décernés aux Parties qui ont fait les plus grands progrès dans l'établissement ou le développement de leurs mécanismes d'échange nationaux. Lors de la COP15, la remise des prix CHM a eu lieu le 18 décembre et la Belgique a reçu le prix d'argent dans la catégorie "Nouveau CHM national" (ex-aequo avec le Burundi et le Bhoutan, tandis que la France a reçu le prix d'or).

 

Plate-forme belge sur la biodiversité (BBPF)

La Plate-forme belge sur la biodiversité est une interface nationale entre la science et la politique, financée par la Politique scientifique fédérale (BELSPO). Hébergé par quatre organisations (BELSPO, IRSNB, INBO et DEMNA), elle donne accès à des données primaires sur la biodiversité et à des informations sur la recherche et encourage la collaboration interdisciplinaire entre scientifiques et décideurs. Elle donne des conseils sur l'identification des priorités de recherche en matière de biodiversité et promeut la recherche belge en matière de biodiversité dans les forums internationaux. Le point focal national belge pour l'IPBES (Plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques) est également hébergé par la Plate-forme. Les activités de ce point focal national comprennent l'implication des experts et des parties prenantes belges dans le programme de travail et les activités de l'IPBES. Le rapport d'évaluation mondiale de l'IPBES sur la biodiversité et les services écosystémiques (Global Assessment Report on Biodiversity and Ecosystem Services, 2019), la synthèse la plus complète jamais réalisée des informations publiées sur le sujet, a été une source importante d'informations et de motivation pour les discussions de la COP15.

La BBPF, qui héberge le point focal belge du Global Biodiversity Information Facility et qui est le coordinateur de Biodiversa+ au nom de BELSPO, a organisé un événement parallèle à la COP15 avec ces deux organisations, visant à renforcer la capacité à fournir des données ouvertes sur la biodiversité pour la recherche et la prise de décision, à l'appui du Global Biodiversity Framework. Le BBPF a également participé en tant qu'intervenant au forum scientifique, en expliquant les plans de Biodiversa+ visant à mettre en place un réseau d'observation européen pour aider à surveiller et à suivre les progrès réalisés en Europe vers les nouveaux objectifs. En outre, le BBPF a animé l'événement de communication de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) "Speaking up for Nature" afin de renforcer la communication entre l'UICN et la CDB. Avec le président de l'IPBES, la BBPF a également rendu compte du forum sur la politique scientifique organisé par le Post-2020 Global Biodiversity Framework EU Support.

 

Capacités pour la biodiversité et le développement durable (CEBioS)

CEBioS (Capacities for Biodiversity and Ecosystem Services) est un programme financé par la Direction Générale de la Coopération au Développement (DGD), qui est également hébergé à l’IRSNB. Il assure le renforcement des capacités des partenaires de la Coopération belge au développement dans le domaine de la conservation de la biodiversité et de la gestion durable liée à la réduction de la pauvreté. En tant que tel, CEBioS travaille dans le cadre des engagements internationaux de la Belgique, notamment dans le cadre de la CDB. Les activités comprennent la coopération institutionnelle avec les organisations partenaires, les appels à propositions pour des subventions courtes, les ateliers, la formation, le soutien politique, les projets spécifiques, la sensibilisation du public et les publications. CEBioS a également fourni les fonds nécessaires à la présence sur place de plusieurs membres de délégations africaines à COP15, tous issus de pays partenaires de la Coopération belge au développement.

CEBioS et l'UNESCO ont organisé un événement parallèle réussi à la COP15, qui s'inscrit dans le cadre des efforts visant à intégrer la biodiversité dans le domaine de la coopération au développement et des objectifs de développement durable des Nations unies. La première partie de l'événement a présenté un exemple de bonnes pratiques et d'enseignements tirés de 10 ans de renforcement des capacités en Afrique, tandis que la seconde partie a été consacrée à la présentation d'un nouveau manuel pratique sur l'évaluation des services écosystémiques dans les réserves de biosphère africaines (le projet triennal EVAMAB).

 

La Belgique a reçu le prix d'argent dans la catégorie "Nouveau CHM national". (Image : CDB)
La Belgique a reçu le prix d'argent dans la catégorie "Nouveau CHM national". (Image : CDB)

Actualités