Plus de 30 nouvelles espèces d'éponges découvertes au Pérou

20/11/2023
Groene spons Balliviaspongia wirrmanni
Balliviaspongia wirrmanni du lac Titicaca et du lac Junin au Pérou. (Photo : Philippe Willenz, Institut des Sciences naturelles)
Roze spons Aplysina gerardogreeni
Aplysina gerardogreeni du nord du Pérou. (Photo : Yuri Hooker)

Les biologistes marins Philippe Willenz (Institut des Sciences naturelles) et Eduardo Hajdu (Université fédérale de Rio de Janeiro), aidés par des étudiants locaux, ont inventorié la diversité des éponges du Pérou. Un travail de longue haleine : 15 ans après la première mission de plongée et 11 publications consacrées à la description de 31 nouvelles espèces, ils rassemblent dans un ouvrage volumineux pas moins de 86 espèces différentes. 

Reinout Verbeke

 

La diversité des éponges  péruviennes était pratiquement inconnue avant les années 2000. Seules deux espèces côtières étaient décrites tandis que moins de 10 espèces abyssales avaient été récoltées par dragage au début du siècle dernier. Willenz et Hajdu avaient déjà mené ensemble plusieurs missions de recensement des spongiaires de Patagonie chilienne et argentine. La côte péruvienne, longue de 3 000 kilomètres, constituait une étape logique dans l'inventaire des spongiaires d'Amérique du Sud.

Des animaux filtreurs performants

Pour le commun des mortels les éponges évoquent un objet synthétique rencontré dans les salles de bains ou les cuisines. Mais les éponges, aussi appelées "Porifera" par les zoologistes, sont les invertébrés benthiques les plus simples qui vivent en mer à toutes les latitudes depuis la zone intertidale jusqu'aux plus grandes profondeurs abyssales ainsi qu'en eau douce en régions tempérées et tropicales.

Elles n'ont ni tube digestif, ni bouche, ni anus, ni système nerveux ou musculaire. Les spongiaires se nourrissent par filtration: leurs tissus sont percés de pores inhalants qui permettent l'entrée d'eau activée par des cellules spécialisées qui retiennent les particules et l'oxygène. L'eau ainsi filtrée est ensuite éliminée au travers d'orifices aquifères plus larges.

 


Dans un récif corallien, les éponges sont capables de filtrer en quelques jours toute la colonne d'eau qui les surplombe dans le récif.

- Philippe Willenz, Institut des Sciences naturelles -

 

Elles se reproduisent soit de manière asexuée, soit par l'intermédiaire de cellules qui se transforment en ovocytes ou en spermatozoïdes. Les éponges font partie des plus anciens animaux connus: leurs fossiles remontent au Précambrien, il y a plus de 540 millions d'années. Un groupe d'animaux à succès, donc.

Les éponges occupent une place importante dans les écosystèmes marins et dulçaquicoles. Elles servent de refuge à différents organismes et participent ainsi à la stabilité de la biodiversité du benthos, explique Philippe Willenz. En filtrant les bactéries, les matières organiques et le plancton de très petite taille, elles contribuent à la santé de l'écosystème.
« Dans un récif corallien, les éponges sont capables de filtrer en quelques jours toute la colonne d'eau qui les surplombe dans le récif. Elles peuvent ainsi devenir des indicateurs de la pollution environnementale, notamment en métaux lourds ou même en micro plastiques. »

De spons Aplysina chiriquuiensis, al bekend van de wateren van Panama, Colombia en Galapagos.
L'éponge Aplysina chiriquiensis, déjà connue des eaux du Panama, de la Colombie et des Galapagos. (Photo : Eduardo Hajdu)
De amper 1 vierkante centimeter grote spons Clathrina aurea.
La petite éponge Clathrina aurea, d'environ un centimètre carré, surtout présente dans les eaux brésiliennes. (Photo : Yuri Hooker)
De in 2022 beschreven soort Haliclona (Rhizoniera) manglarensis, die alleen in mangroves is gevonden.
L'espèce Haliclona (Rhizoniera) manglarensis, décrite en 2022, a été trouvée exclusivement dans des mangroves. (Photo : Philippe Willenz, Institut des Sciences naturelles)
Spectaculaire soort Haliclona (Halichoclona) multiosculata
La nouvelle espèce Haliclona (Halichoclona) multiosculata, décrite en 2022, connu uniquement de l'île Foca dans le nord du Pérou. (Photo : Yuri Hooker)

Médicaments contre le cancer

Au cours des dernières décennies, l'intérêt de l'industrie pharmaceutique pour les éponges s'est considérablement accru. Les toxines qui leur servent de protection contre les prédateurs sont testées pour leurs propriétés thérapeutiques. Des molécules nouvelles aux propriétés antivirales, antibactériennes, antitumorales, antipaludiques ou anti-inflammatoires ont ainsi été isolées, puis reproduites par synthèse en laboratoire. Par exemple, l'AZT, utilisé dans le traitement du SIDA, peut être attribué à des molécules provenant d'éponges. Et la discodermolide, une molécule qui intervient dans la stabilisation des microtubules, a été isolée de l'éponge des Caraïbes Discodermia dissoluta.

Willenz et Hajdu viennent de réaliser un travail titanesque : cartographier la diversité des éponges du Pérou. Trois missions de plongée et de collecte entre 2007 et 2009 ont permis de récolter près de 900 spécimens sur 109 sites. Plus d'une décennie a été nécessaire pour les décrire tout en formant des étudiants péruviens à la taxonomie.

Le résultat : 86 espèces d'éponges documentées, dont 31 nouvelles espèces. Elles sont rassemblées et largement illustrées dans Abc Taxa (Vol. 22): Marine and Freshwater Sponges of Peru.  Abc Taxa est une série de manuels taxonomiques publiés par le Programme CEBioS (financé par la Coopération belge au développement) en lien avec le Point Focal National pour la Convention sur la Diversité Biologique, et coordonné, entre autres, par l'Institut des Sciences Naturelles.

Voor alle duiksessies werd een beroep gedaan op lokale vissers en hun motorbootjes.
Pour toutes les sessions de plongée, des pêcheurs locaux et leurs petites embarcations ont été sollicités. Ici, sur le lac Titicaca. (Photo : Yuri Hooker)
Vertrek naar Islas Lobos de Afuera: een reis van acht (!) uur in een vissersboot om het eiland te bereiken. (Foto: Philippe Willenz, Instituut voor Natuurwetenschappen)
Départ pour les Islas Lobos de Afuera : un voyage de huit (!) heures en bateau de pêche pour atteindre l'île. (Photo : Philippe Willenz, Institut des Sciences naturelles)
Philippe Willenz aan het multitasken: fotograferen, opmeten, kenmerken beschrijven, een staal nemen...
Multitâche pendant la plongée : photographier l'éponge et son substrat, le mesurer et en prélever un échantillon... (Photo : Yuri Hooker)
Duiker in onderwatergrot.
Même dans des grottes sous-marines étroites, les éponges trouvent leur habitat. Un défi de les collecter. (Photo : Yuri Hooker)

Hyperdiversité

Les éponges présentent une gamme incroyablement large de formes, de couleurs et de tailles, ainsi que des structures internes très différentes. Les taxonomistes distinguent les espèces les unes des autres principalement en fonction de la forme et de la taille des aiguilles qui constituent leur squelette (spicules). Il s'agit d'aiguilles microscopiques composées de calcium ou de silicium qui renforcent les tissus. La structure du squelette est également distincte pour chaque espèce. Certaines n'ont même pas de spicules et leur squelette est composé uniquement de fibres de collagène, comme l'éponge de toilette. Il faut donc préparer des lames histologiques pour les observer au microscope, ce qui prend beaucoup de temps.

Sur les 15 000 espèces d'éponges estimées, quelque 10 000 ont actuellement été officiellement décrites et répertoriées depuis plusieurs siècles. Ce volumineux manuel (aussi bientôt disponible en espagnol) comprend également des instructions pour l'échantillonnage en plongée sous-marine, le stockage et l'analyse des éponges, vise à inspirer de nouvelles générations de biologistes marins pour poursuivre l'exploration de ce monde véritablement absorbant.

De recent beschreven nieuwe sponzensoort Haliclona (Gellius) concreta, met de inwendige structuur en de skeletnaalden.
La nouvelle espèce d'éponge récemment décrite Haliclona (Gellius) concreta, avec la structure interne et les aiguilles du squelette. (Photo : Philippe Willenz, Institut des Sciences naturelles)
De in 2009 beschreven sponzensoort Clathrina antofagastensis, met de inwendige structuur en de skeletnaalden.
L'espèce d'éponge Clathrina antofagastensis, décrite en 2009, avec la structure interne et les aiguilles du squelette. (Photo : Philippe Willenz, Institut des Sciences naturelles)
Zoölogen Eduardo Hajdu en Philippe Willenz.
Les zoologistes Eduardo Hajdu et Philippe Willenz. (Photo: Thierry Hubin, Institut des Sciences naturelles)

Actualités