Les cétacés primitifs se nourissaient-ils comme des reptiles marins?
Une recherche menée par l'ULiège a étudié les similitudes morphologiques entre les premiers cétacés et des anciens reptiles marins de l'ère des dinosaures, les mosasaures. Quatre spécimens de nos collections ont été utilisés pour cette étude.
Les premiers ancêtres des baleines ont-ils repris là où les mosasaures s'étaient arrêtés, après l'extinction de tous les grands reptiles marins prédateurs il y a 66 millions d'années ? Une étude menée par la doctorante Rebecca Bennion de l'Université de Liège et publiée dans la revue Paleobiology, s'est penchée sur les possibles convergences de morphologie et de comportement entre ces deux groupes de grands animaux marins prédateurs.
L'idée que ces deux groupes pourraient être fonctionnellement similaires n'a jamais été rigoureusement testée
- Rebecca Bennion, doctorante et auteure principale de l'étude -
Beaucoup d'entre nous connaissent les baleines et les dauphins modernes. Cependant, les ancêtres disparus de ces mammifères marins modernes ressemblent étrangement à des formes antérieures de vie marine, notamment les mosasaures (un groupe totalement éteint et proche des serpents et des lézards). « Les similitudes superficielles ont été notées depuis longtemps, mais l'idée que ces deux groupes pourraient être fonctionnellement similaires n'a jamais été rigoureusement testée », explique Rebecca Bennion, doctorante et auteure principale de l'étude, sous la supervision du paléontologue Olivier Lambert (IRSNB).
Ces recherches récemment publiées et réalisées par une équipe internationale de scientifiques basés en Europe, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande, ont étudié le potentiel d'évolution convergente de la morphologie du crâne entre les cétacés ancestraux et les mosasaures. Pour y parvenir, une série de caractéristiques fonctionnelles, biomécaniques, ont été enregistrées à partir de scans tridimensionnels (3D) à haute résolution des crânes des deux groupes. « Notre laboratoire a réuni une vaste bibliothèque de scans 3D de fossiles, nous permettant d'explorer en détail des questions sur l’évolution à grande échelle », explique Valentin Fischer, professeur de paléontologie et directeur du laboratoire EDDy à l'ULiège.
Convergence évolutive
La découverte la plus intéressante de l'étude était que, dès le départ, les cétacés et les mosasaures présentaient des caractéristiques écologiques assez différentes. À partir de ces différents points de départ, plusieurs espèces de très grande taille ont acqui une morphologie similaire ; c’est ce que l'on appelle la convergence évolutive. « Cette convergence entre les premiers cétacés et les mosasaures nous dit quelque chose sur ce qu'il faut pour fonctionner de manière optimale comme un grand prédateur marin » élabore Jamie MacLaren, chercheur associé à l'ULiege EDDyLab, « Plusieurs membres de ces groupes deviennent très similaires dans leurs caractéristiques écologiques, suggérant des pressions sélectives similaires sur ces animaux bien qu'ils se soient séparés par des dizaines de millions d’années ». Néanmoins, des différences importantes subsistent entre les deux groupes malgré ces exemples de convergence. « Nos résultats montrent ce que l'on appelle une ‘convergence incomplète’ ; des différences restant dues à l’origine mammalienne ou reptilienne de chaque groupe. » poursuit Rebecca Bennion.
Les cétacés modernes sont vraiment un groupe très prospère, et il reste à voir à quel point leur morphologie et leur écologie sont diversifiées par rapport à d'autres animaux marins fossiles. Cette recherche ne représente que le sommet de l'iceberg ; d'autres recherches sur la convergence entre les animaux marins à travers les archives fossiles nous permettront de comprendre les contraintes que l'évolution impose aux organismes aquatiques et comment ils les surmontent.