Kamasutra : un nouveau genre d’insecte, au mode d’accouplement acrobatique

26/10/2023

 

Un nouveau genre d’insecte australien, au mode d’accouplement acrobatique, a été décrit par l’un de nos entomologistes.

Mathilde Antuna
 

Il y a maintenant une vingtaine d’année, Jérôme Constant, entomologiste à l’Institut des Sciences naturelles, s’est attelé à faire une révision complète des Eurybrachidae, une famille d’insectes du groupe des hémiptères, comme la cigale et les punaises. Ces insectes sont difficiles à trouver dans la nature et toujours rares dans les collections des musées. Lors de sa révision, Jérôme a pu constater que cette ‘’petite’’ famille des Eurybrachidae compte en réalité sans doute plus de 500 espèces dont au moins 80% restent à décrire.
 

Deux exemplaires de la nouvelle espèce Kamabrachys signata en train de s'accoupler.
Deux exemplaires de la nouvelle espèce Kamabrachys signata en train de s'accoupler. (Photo : Colleen Foelz)
Kamabrachys signata sur le tronc d'un eucalyptus.
Kamabrachys signata sur le tronc d'un eucalyptus. (Photo : Jérôme Constant, IRSNB)

Pas un, mais deux…

Ces insectes ne sont pas présents chez nous. On les retrouve dans différents habitats en Australie, en Asie du Sud et en Afrique. En 2020, une photographe naturaliste australienne, Colleen Foelz, photographie des specimens d’Eurybrachidae sur des troncs d’Eucalyptus au Queensland. En examinant ses photos, elle pense d’abord avoir affaire à un camouflage où l’insecte présenterait une ‘’fausse tête’’ sur l’arrière de ses ailes. Ce type de camouflage, destiné à impressionner ou à détourner l’attention d’un éventuel prédateur, est bien connu même chez nous par exemple les faux yeux sur les ailes du papillon paon de jour. Rapidement, elle se rend compte qu’il n’y a pas un mais deux specimens sur sa photo et en train de s’accoupler. Pour en savoir plus sur ces insectes, elle contacte Jérôme.

Surprise ! Jérôme n’a jamais vu une telle manière de s’accoupler, le mâle sous la femelle, tête-bêche, chez aucune des espèces du groupe. Habituellement, ces insectes s’accouplent côte à côte ou dos à dos.

 

Le mâle est suspendu sous la femelle, tête-bêche. (Photo : A. McDougall)

Dix nouvelles espèces

Pour identifier ces espèces, il est nécessaire d’examiner les organes génitaux des mâles, porteurs de caractères stables pour différencier les espèces. Colleen fait donc parvenir des spécimens à Jérôme qui entreprend de revoir ce groupe d’Eurybrachidae.

Entre les collections des musées australiens et le matériel récolté lors d’expéditions au Queensland entre 2019 et 2022, Jérôme se retrouve avec dix nouvelles espèces à décrire. Ces espèces sont regroupées dans un nouveau genre baptisé Kamabrachys avec ‘’Kama’’ comme dans Kamasutra en référence à la position d’accouplement pour le moins originale.

Maître du camouflage

Dans la nature, les Kamabrachys sont très difficiles à détecter : ils disposent d’un très bon camouflage. Leurs couleurs cryptiques dans les tons gris, noir et brun les rendent pratiquement invisibles sur les troncs des Eucalyptus. Ils se tiennent généralement dans les rainures et crevasses des écorces et préfèrent même les troncs partiellement brûlés. Les spécimens se déplacent aussi bien en avant qu’en arrière et sur les côtés et lorsqu’ils se sentent menacés, ils restent face au potentiel agresseur et partent en reculant pour se placer du côté face cachée de la branche ou du tronc où ils se trouvent.

L’une des espèces nouvelles, Kamabrachys waineri, a été découverte lors d’une expédition en 2022 à Chillagoe avec le Fonds Léopold III, au même endroit que la nouvelle espèce de cicadelle ‘’Triceratops’’Cornutipo tricornis,  c’est-à-dire, juste à côté du camping où les entomologistes avaient installé leurs tentes.

L’étude a été publiée dans European Journal of Taxonomy.

De cicade Kamabrachys waineri.
Une nouvelle espèce : Kamabrachys waineri. (Photo: Jérôme Constant, IRSNB)

Actualités