L’histoire géante des mammifères

Du petit au grand : Kryptobaatar et Megaloceros
Du petit au grand : Kryptobaatar et Megalocéros. (Photo: Thierry Smith, IRSNB)


Les mammifères, petits, discrets et tapis comme Kryptobaatar* dans l’ombre des dinosaures depuis 150 millions d’années, voient leur taille et leur nombre d’espèces augmenter à partir de l’extinction de ces géants reptiliens il y a 66 millions d’années. C’est le début de ce que l’on appelle l’Âge des mammifères. Il succède à l’Âge des dinosaures.

Thierry Smith


La conquête des niches écologiques laissées libres par les dinosaures disparus n’est encore que partiellement comprise.

On sait que durant les dix premiers millions d’années (Paléocène : 66-56 Ma), les espèces survivantes grandissent. Après 400.000 ans, certains mammifères placentaires (ceux donnant naissance à des petits bien développés après une longue gestation) atteignent 50 kg et les premiers grands mammifères herbivores apparaissent après quelques millions d’années. Ce sont les pantodontes. À la fin du Paléocène, certains auront dépassés 500 kilos (Barylambda). Des prédateurs atteindront la taille d’un chien chez les mésonychidés (Ankalagon).

D’autres groupes animaux suivent le mouvement. Des oiseaux non volants de plus de 2 mètres de haut, à l’allure de dinosaures carnivores, apparaissent mais ils sont… herbivores (Gastornis). Les grands reptiles marins ayant disparus avec les dinosaures, les requins grandissent également, notamment les otodontidés, ancêtres du Megalodon*. Le plus remarquable est peut-être chez les serpents où des dimensions records sont atteintes avec Titanoboa*, un boïdé de 13 m de long pour un poids d’une tonne.

Mammifères modernes

Mais il faudra attendre l’aube de l’Eocène, il y a 56 millions d’années, lors d’un réchauffement global extrêmement rapide et intense, connu sous le nom de PETM (Paleocene Eocene Thermal Maximum), pour voir la diversité des mammifères réellement exploser. De nouveaux groupes de mammifères placentaires apparaissent alors soudainement sur les trois continents de l’hémisphère nord grâce à des ponts terrestres intercontinentaux par lesquels ils effectuent de grandes dispersions.

Ces nouveaux groupes, qualifiés de « mammifères modernes », avec des cerveaux proportionnellement plus gros que les « mammifères archaïques » du Paléocène sont les périssodactyles, artiodactyles, cétacés, carnivores, chauves-souris, primates, rongeurs et lagomorphes.

Bien que ces huit groupes représentent 83 % de la diversité des espèces actuelles de mammifères, leurs ancêtres sont encore mal connus. Un très beau dossier de Science et Vie de mai 2023 (n°1268) rend d’ailleurs hommage à ces mammifères qui ont conquis le monde.

Dans chacun de ces groupes, de nouveaux géants vont naître, fruit d’une évolution généralement lente, résultat de compétitions incessantes, de bouleversements climatiques, de spécialisations alimentaires et anatomiques parfois extrêmes...

Parmi les périssodactyles (groupe des chevaux, rhinocéros et tapirs actuels), cette évolution va façonner le plus grand mammifère terrestre (Paraceratherium*). L’histoire évolutive des artiodactyles retiendra le cerf géant (Megalocéros*) et ses bois de 3 mètres d’envergure et celle des cétacés retiendra certainement Basilosaurus et Livyatan* parmi les cétacés géants à dents (Odontocètes) et évidemment la baleine bleue (Mysticète). Même les primates que nous sommes auront leur géant avec Gigantopithecus*, un orang-outan de 3 mètres de haut. Certains rongeurs (groupe des écureuils et des marmottes) atteindront une tonne. Mais le plus impressionnant était sans conteste Smilodon* populator, un félin estimé à 400 kilos et possédant des canines de près de 30 cm de long. Et c’est sans oublier les mammouths* et autres paresseux géants (Megatherium*) de l’Âge de glace.

Des géants fragiles

Mais les géants sont des colosses au pieds d’argile et la majorité d’entre eux ont déjà disparus. Toutefois, quelques-uns survivent encore dans notre belle biodiversité : l’éléphant, le gorille, le rhinocéros, la baleine bleue… Ils semblent indestructibles par leur taille et leur force mais en réalité ils sont extrêmement fragiles. Comme dans le cas des géants du passé, il suffit de quelques changements dans leur habitat, leur ressources alimentaires ou le climat pour qu’ils disparaissent à leur tour. Ne soyons donc pas surpris de constater que parmi les espèces les plus menacées au monde se trouve de nombreux géants tels que l’éléphant et le rhinocéros de Sumatra, le requin-baleine, l’orang-outan de Bornéo, l’éléphant de forêt africain et le gorille des plaines orientales du Congo, ainsi que le tigre de Sunda d’Indonésie. Le responsable de cette nouvelle extinction semble malheureusement toujours être le même. Il s’agit d’un autre géant : l’homme !

* animaux présents dans l’exposition GIANTS.

Exposition passée

GIANTS

Un voyage dans le temps à la rencontre de 11 animaux gigantesques ayant vécu après les dinosaures. Une GRANDE occasion de se sentir minuscule face à ces géants à taille réelle !